Biographie de Louis de Broglie

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Ce travail d’Alexandre Genelle a été réalisé dans le cadre de l’Option Informatique. Il a été remis en forme par Raphaël Lang pour l’adapter au nouveau site du lycée.

Ce tableau regroupe les évènements importants de la vie de Louis de Broglie (prononcer "de Breuil"). Pour ceux qui souhaitent une biographie plus approfondie, il suffit de sélectionner un évènement dans la colonne de droite : un paragraphe détaillé sera ouvert.

15 août 1892 Naissance de Louis de Broglie
1908 - 1910 Bac , début des études supérieures
1911 Congrès Solvay
1913-1919 Service militaire, guerre
1919-1923 Travaux scientifiques
1923-1924 Notes de 1923, thèse
1925-1927 notes, "théorie de la double solution"
printemps 1927 Vérification expérimentale
octobre 1927 5° congrès Solvay
1928 maîtrise de conférence,création de l’institut Henri-Poincaré.
décembre 1929 prix Nobel
1933 Louis de Broglie est élu à l’Académie des sciences
1934 "théorie générale des particules à spin"
1942 Louis de Broglie remplace Émile Picard comme secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences
octobre 1944 Élection de LdB à l’Académie française
31 mai 1945 L’Académie française reçoit Louis de Broglie
1952 le tournant
1962 Louis de Broglie prend sa retraite
1973 Louis de Broglie donne son accord pour créer la fondation Louis-de-Broglie
1973 Louis de Broglie présente une note à l’Académie des sciences , véritable mise à jour de la mécanique ondulatoire
1975 Inauguration de la fondation
1975-1987 Les dernières années
19 mars 1987 La fin

 Naissance, origines familiales

La famille de Broglie est d’origine italienne. La branche française, qui devait s’illustrer, commença en 1643, avec l’arrivée en France de Francesco Maria Broglia, fils d’Amedeo Broglia, comte de Cortandone.Francesco Maria vint rejoindre Mazarin qui, depuis l’année précédente, avait succédé à Richelieu. L’usage francisa son nom en François Marie de Broglie et bientôt il se distingua : il devint lieutenant général.

Son fils aîné,Victor Maurice comte de Broglie marquis de Senonches (1647-1727), fut fait maréchal de France par Louis XIV. Son fils aîné, François-Marie de Broglie (1671-1745), fut le second maréchal et le premier duc de Broglie. Il donna à la devise de la famille sa forme actuelle : "POUR L’AVENIR"

Le deuxième duc, Victor-François de Broglie (1718-1804), fils aîné de François-Marie, fut fait à son tour maréchal de France par Louis XV. Son fils, Victor de Broglie (1756-1794) défendait la cause révolutionnaire et allait vers un destin tragique. A la révolution, il siégea à la Constituante, qu’il présida en 1791. Il fut maréchal de camp dans l’armée du Rhin, mais finalement, victime de la terreur, il fut arrêté et guillotiné.

Son fils, Victor lui aussi, troisième duc de Broglie (1785-1870), fut un grand homme d’état. Il fut membre de la Chambre des pairs sous Louis XVIII, puis sous Charles X. Il consacra la fin de sa vie à des études philosophiques et littéraires et fut élu à l’académie française.

Son fils aîné, Albert de Broglie (1821-1901), le quatrième duc, grand-père de Louis de Broglie, entreprit une brève carrière diplomatique puis se retira de la vie politique à la révolution de 1848 et fit d’importants travaux d’histoire qui lui valurent d’être élu à l’Académie française.

Le père de Louis de Broglie, Victor de Broglie (1846-1906), le cinquième duc, n’eut pas de chance. Il remporta au Concours général un premier prix de philosophie et fit d’excellentes études de lettres. Mais il mena une vie assez retirée et ne put jamais vraiment s’épanouir. Atteint du diabète, il mourut prématurément.

Louis de Broglie (Louis Victor Pierre Raymond de Broglie) naquit le 15 août 1892 à Dieppe, au 62, rue d’Aguado. Louis, comme son grand-père d’Armaillé ; Victor, comme son père et par tradition familiale ; Pierre, comme son parrain ; Raymond, comme sa marraine, Raymonde de Galard.

 Baccalauréat, début des études supérieures (1908-1910)

En 1908, Louis de Broglie terminait ses études secondaires à Janson de Sailly. Il fut excellent en physique, moyen en mathématiques et en chimie. Son point faible était le dessin. Il brillait en lettres et en philosophie et sa première orientation fut littéraire.Pourtant, c’est au baccalauréat latin-sciences qu’il se présenta. L’année suivante, il passa la seconde partie à la fois en mathématiques et en philosophie. Il avait seize ans.

Une anecdote curieuse intrigua Louis de Broglie. invité à dîner chez Mme de Rochetaillée au 29, rue de Chateaubriand, il rencontra "Mme de Thèbes", chiromancienne en vogue. Lorsqu’elle observa Louis, elle s’exclama : " Votre main est extraordinaire. Vous allez devenir célèbre... Mais cela m’est très difficile de vous dire pourquoi... Vous deviendrez célèbre pour vos travaux de mécanique."

Louis de Broglie s’inscrivit à la Sorbonne,en histoire. Il passa brillamment sa thèse. Louis de Broglie avait choisi comme matière principale l’histoire du Moyen Age. Peu après,Louis de Broglie abandonna ses études d’histoire. A ce moment, "il flotte un peu", suivant ses propres mots,il fait une année de droit,apprend des langues étrangères puis il revient aux sciences et passe sa licence en deux ans.

 Le congrès Solvay de 1911

Le sentiment de vivre une crise de la physique entrait dans les esprits et le riche industriel Ernest Solvay fut convaincu de réunir un conseil de physiciens. Le premier conseil Solvay se tint à Bruxelles du 30 octobre au 3 novembre 1911 sous le titre : La théorie du rayonnement et les quanta.Une vingtaine de physiciens étaient présents : Planck, Poincaré, Sommerfeld, Rutherford, Perrin, Marie Curie, Einstein...

C’est ainsi que Louis de Broglie put lire, avant leur dépôt chez l’éditeur, les précieuses minutes du congrès, rapportées à Paris par son frère. Ce fut pour lui une merveilleuse découverte. Selon son frère, cette lecture provoqua en lui "un coup d’état intérieur" : il serait physicien.

 La guerre

Louis de Broglie partit au service militaire en 1913, mais il eut la chance d’être affecté aux transmissions. A ce sujet, il a laissé un récit à Georges Lochak, dont voici un extrait :

"Né à Dieppe en 1892, je devais partir pour le service militaire à vingt et un ans en octobre 1913. Ami de mon frère, le général Ferrié, grand spécialiste de l’emploi de la télégraphie sans fil, usa de son influence pour me faire affecter au régiment des radiotélégraphistes au mont Valérien.[...] Au mois de juin 1914, je fus affecté au poste de télégraphie sans fil de la tour Eiffel situé en profondeur au milieu du champ de Mars. Le 1º août 1914 éclata la terrible guerre qui devait durer plus de quatre ans et faire tant de victimes. Jusqu’à ma démobilisation en septembre 1919, j’ai vécu dans les souterrains du poste de radio de la tour Eiffel, j’ai pu suivre tous les progrès de la radiotélégraphie et y contribuer dans la mesure de mes moyens.

Pendant ce temps, Louis de Broglie répare lui-même le matériel, et recherche les moyens de le rendre plus fiable. Ce temps favorise la lente maturation des idées.

 Travaux scientifiques entre 1919 et 1923

Louis de Broglie résume ainsi ses premiers travaux : "Après ma démobilisation, je me mets à travailler avec mon frère et ses collaborateurs dans le laboratoire consacré aux rayons X, mais je suis aussi les cours et les séminaires de Paul Langevin sur la relativité et les quanta.[...] Je fais plusieurs notes aux comptes rendus avec mon frère sur les rayons X et, en particulier sur l’effet photoélectrique produit par ces rayons. Mais je fais aussi des notes personnelles qui sont comme les travaux précurseurs de mes notes fondamentales de l’automne 1923 et de ma thèse de 1924 (rapport de thèse disponible sur ce site). Dans une note du 4 décembre 1921, j’aperçois une relation possible entre les fréquences et les températures et ceci semble une sorte de pressentiment de la thermodynamique cachée des particules que je devais développer quarante ans plus tard. Dans une très importante note aux comptes rendus du 6 novembre 1922, j’explique le véritable sens d’ une formule assez étrange donnée par Einstein en 1911. Je montre que cette formule est exacte mais qu’elle peut être écrite sous une autre forme qui en montre la signification.

Dans cette note, Louis de Broglie était déjà proche de l’idée d’une onde cohérente emportant plusieurs quanta de lumière dont les mouvements sont liés entre eux. Il précisera cette idée dans sa thèse.

 Les notes de 1923 ; La thèse ; La mécanique ondulatoire.

Durant l’été 1923, Louis de Broglie publie 3 notes dans les "Comptes rendus de l’Académie des sciences", 3 notes qui constituent le point de départ de la mécanique ondulatoire :

  1. Il établit la relation entre le mouvement d’un corpuscule libre et la propagation de l’onde qu’il propose de lui associer.
  1. Il précise l’application de ses conceptions au cas des photons et esquisse une théorie des phénomènes d’interférence et de diffraction de la lumière compatible avec l’existence des photons. Il conclut : "Nous concevons donc l’onde de phase comme guidant les déplacements de l’énergie, et c’est ce qui peut permettre la synthèse des ondulations et des quanta.[...] La nouvelle dynamique du point matériel libre est à l’ancienne dynamique ce que l’optique ondulatoire est à l’optique géométrique." C’est l’acte de naissance d’une nouvelle mécanique : la mécanique ondulatoire, l’un des plus grands événements scientifiques depuis Galilée.
  1. Il établit la correspondance entre le principe de moindre action appliqué au mouvement d’un corpuscule et le principe de Fermat appliqué à la propagation de son onde associée. La célèbre formule de Louis de Broglie apparaît à la fin de la troisième note.

Il rédige sur ce sujet une thèse de doctorat , présentée sous le titre de "Recherche sur la théorie des quanta".(rapport disponible)

En réalité, personne ne percevait le bouleversement. Il s’agit, pour Louis de Broglie, d’affirmer que les particules sont transportées par des ondes indissociables. La matière est "ondulatoire" et devrait présenter des caractéristiques semblables à celles de la lumière. Or les conséquences d’une telle affirmation étaient inimaginables. C’était la remise en cause de toute la physique.

Louis de Broglie explique l’idée fondamentale de la mécanique ondulatoire :

 Notes, théorie de la double solution (1925-1927)

Entre 1925 et 1927, Louis de Broglie rédige une série de notes sur le dualisme photon-onde lumineuse qui l’amène à une interprétation assez subtile qu’il appelle théorie de la double solution.(cours : effet Compton dans un champ d’interférence en théorie de la double solution)

 Vérification (printemps 1927)

Einstein, après avoir constaté dans un premier temps qu’il s’agissait, dans la thèse de Louis de Broglie, "d’idées complètement folles", perçut la fabuleuse révolution conceptuelle que représente la théorie proposée par Louis de Broglie.

Durant le printemps 1927 sont publiées des expériences sur la diffraction des électrons par les cristaux ; expérience de Davisson et Germer (animation disponible) puis Thomson.Ainsi, toutes les conceptions de Louis de Broglie sont confirmées.

Louis de Broglie participe alors avec Einstein, Planck, Langevin et d’autres savants célèbres au congrès Solvay de 1927.

 Le congrès Solvay de 1927

Au mois d’octobre 1927 s’est réuni à Bruxelles le 5° congrès Solvay, sur le thème Électrons et photons. Louis de Broglie a écrit : "Peu habitué encore à parler en public, je me suis heurté au conseil Solvay à Bruxelles en octobre 1927 à l’opposition des jeunes et brillants théoriciens de l’école de Copenhague groupés autour des célèbres savants Niels Bohr et Max Born".

Louis de Broglie, malheureusement, relégua sa victoire expérimentale (expériences de Davisson et Germer et de Thomson) en fin d’exposé, ce qui lui en fit perdre le bénéfice, et faute de défendre ses idées avec force, il donna l’impression de se perdre en chemins de traverse. Reculant devant les difficultés mathématiques et physiques que soulevait son idée des ondes singulières, il se réfugia dans une version qu’il qualifia plus tard de "bâtarde".

 1928

Louis de Broglie devient titulaire d’une maîtrise de conférence créée pour lui à la faculté des sciences de Paris. Grâce aux donations du baron de Rothschild, un institut de recherches théoriques est créé : l’institut Henri-Poincaré. Louis de Broglie y enseignera pendant 34 ans, succédant en 1932 à Léon Brillouin à la chaire de physique théorique.

 Prix Nobel (1929)

Louis de Broglie fut le premier de la jeune génération des fondateurs de la physique quantique à recevoir le prix Nobel, pour la prévision de "la nature ondulatoire de l’électron". Louis de Broglie investit l’argent de ce prix dans l’achat d’une belle maison à Saint-Germain en Laye.

 "théorie générale des particules à spin" (1934)

Louis de Broglie édifie une théorie de la lumière, généralisant au photon, particule de spin 1, les équations de Dirac dans le cas de l’électron (spin : moment cinétique propre d’une particule). Cela suppose que le photon est constitué par une sorte de "fusion" à partir de 2 particules de spin 1/2. La théorie de la fusion pouvait alors se généraliser à toutes les particules de spin entier ou demi-entier. Cette synthèse réalisée par Louis de Broglie constitue une "théorie générale des particules à spin". Des recherches sur la propagation des ondes guidées, sur les interactions entre matière et rayonnement devaient suivre. Néanmoins, les préoccupations de Louis de Broglie restaient axées sur l’interprétation de la mécanique ondulatoire, qui, semble-t-il, ne l’avait jamais pleinement satisfait.

 L’Académie française reçoit Louis de Broglie (31 mai 1945)

Les académiciens ont chargé Maurice de Broglie d’y recevoir son frère Louis. Après un portrait familial, Maurice de Broglie s’attache à décrire les conséquences des théories de son frère : "C’est une véritable révolution de la pensée qui s’est opérée. Elle atteint tous les domaines puisqu’elle tient à la base de la notion d’explication. La biologie s’en ressent, comme la chimie et la philosophie des sciences, comme tous les chapitres de la physique. Le bond en avant a été si grand et nous a entraînés si loin que nous avons changé d’horizon et atteint des perspectives nouvelles qui plongent en partie dans les brumes de la métaphysique."

Ensuite, Louis de Broglie s’est résigné à enseigner la théorie probabiliste mais sa conviction faiblit de plus en plus. Il est maintenant convaincu qu’une telle interprétation des conséquences de sa propre théorie ne peut s’expliquer que par l’absence d’un élément du puzzle et il écrit : "Renoncer à chercher des liens de causalité unissant les phénomènes décelables me paraît ne pouvoir être qu’une attitude provisoire... on doit toujours penser qu’un nouvel effort nous permettra de pénétrer davantage dans l’analyse détaillée des liaisons causales qui assurent la succession des phénomènes physiques." Cette position causaliste est fondamentale.

 Le tournant (1952)

Hanté par le problème de l’indétermination, Louis de Broglie décida de reprendre la question à sa base, convaincu que l’interprétation formelle et purement statistique était "incomplète et trompeuse". Einstein, qui allait mourir en 1955, lui écrivit alors "C’est vous qui êtes sur la bonne voie." Louis de Broglie décide de revenir à ses premières conceptions et les approfondit.

 Louis de Broglie prend sa retraite (1962)

Après sa retraite, il laissa ses responsabilités à ses successeurs et ne conserva que celles de l’Académie. Parmi les commissions qu’il présidait, il y avait celle de physique théorique du CNRS.

Dès qu’il fut libéré de ses fonctions, de Broglie se mit au travail avec ardeur, en profitant de son excellente forme. Après sa retraite, il publia 7 livres, 30 mémoires, 5 notices académiques et une quinzaine d’articles généraux. En quittant le séminaire de l’Institut Henri-Poincaré, il proposa à 4 de ses proches collaborateurs (dont Georges Lochak, auteur du livre dont cette biographie est inspirée) d’en fonder un nouveau avec lui, à l’Académie. Louis de Broglie donna le ton, la premier jour, en lançant à ses collègues, avec un soupir de soulagement : "Enfin !... Maintenant que je ne suis plus leur chef et que je ne suis pas obligé de les suivre, nous allons pouvoir travailler tranquillement."

En 1972, il y eut une cérémonie à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire. Les invités prononcèrent des discours auxquels il répondit avec familiarité, évoquant des souvenirs sur son enfance et sa carrière. Il s’exprima de la sorte : "Le travail que j’ai accompli avec mes jeunes collaborateurs et celui que j’ai poursuivi personnellement m’ont permis d’exécuter une très importante mise au point et je considère les dix dernières années comme ayant été, au point de vue intellectuel, parmi les plus belles de ma vie."

 Louis de Broglie donne son accord pour créer la fondation Louis-de-Broglie (1973)

Le but de cette fondation est de poursuivre des recherches en microphysique dans la voie qui fut la sienne ; ce qui suppose d’abord le développement de ses idées, mais également de toute tentative allant dans le sens d’un approfondissement et d’un renouveau de la microphysique. "Je suis très favorable à ce projet, dit-il, mais je tiens à souligner que ce n’est aucunement par intérêt personnel. [...] Comme je suis persuadé que mes idées actuelles finiront par s’imposer, je pense qu’il serait vraiment regrettable qu’elles nous reviennent de l’étranger parce qu’on aura pas cherché à les développer en France."

 Inauguration de la fondation (1975)

Sa dernière apparition en public fut au séminaire de la fondation, dont il fit la conférence inaugurale en automne 1975, au Conservatoire national des arts et métiers.

 Les dernières années (1975-1987)

Les années passèrent et Georges Lochak, présent auprès de Louis de Broglie, vit peu à peu son esprit se sublimer, s’éloigner du concret et ne plus jouer que sur les principes. Il devenait trop faible pour faire un calcul et ne lisait plus. Il ne parlait plus de physique et les faits les plus évidents lui échappaient.

A la fin de l’été 1981, Louis de Broglie venait d’être opéré pour une affection rénale, il perdit complètement la mémoire. Il était devenu dépendant, trois infirmières se succédant jour et nuit à son chevet.

On le transporta à l’Hôpital américain de Neuilly où il resta plusieurs années.

 La fin, le 19 mars 1987

Louis de Broglie passa les derniers mois de sa vie dans une clinique, à Louveciennes (à quelques centaines de mètres de l’abreuvoir de Marly le Roi, là où s’est édifié le nouveau lycée portant son nom). Il mourut le matin du 19 mars, dans sa quatre-vingt-quinzième année.

Ses obsèques eurent lieu à Saint-Pierre de Neuilly "sans armoiries et sans discours", selon ses vœux, en présence d’une centaine de personnes de sa famille et de ses plus proches confrères, élèves et amis. La seule manifestation officielle fut une séance solennelle sous la coupole de l’institut. Ni l’Université, ni le CNRS, ni la Société française de physique (qu’il présida), ni le CERN, ne firent quoi que ce soit. Il n’y eut rien à l’institut Henri-Poincaré, ni dans aucun laboratoire de physique, ni à la télévision, ni à la radio. La presse en parla à peine. L’ignorance générale fut pour quelque chose : peu de gens savent que les objets quantiques, issus de ses travaux, font partie de notre vie quotidienne et que les idées de de Broglie ont changé notre vision du monde. On ne leur a pas dit tout cela car la communauté scientifique ne l’a pas voulu. Qu’on accuse pas les pouvoirs publics : ce sont les physiciens qui ne veulent plus en entendre parler et qui l’ont mis au ban depuis qu’il a critiqué la mécanique quantique.

Ainsi venu à la physique par la philosophie, et aux théories scientifiques par les vertus de "l’imagination", historien, amateur d’art, marginal et tolérant, c’était un "honnête homme" du XXe siècle. De même que le génie, au XIXe siècle et au début du notre, fut de savoir aller contre Newton, la prochaine idée géniale ira contre la relativité, contre les quanta, contre l’onde de de Broglie. Celui qui fera ce premier pas pourra s’inspirer de Louis de Broglie, de son exigence de réalisme, de son désir de clarté, de son sens de la représentation des objets dans l’espace et dans le temps, de sa liberté d’esprit, de son aptitude à tout remettre en question.